Paris – Hiver 1802. Un mystérieux message est remis à la belle Romane. Il provient de son compagnon, mort durant la campagne d’Egypte menée par Napoléon. A quel trésor son déchiffrement la mènera-t-elle ? Et que vient faire la silhouette d’une bouteille de vin dans cette énigme ? Romane devra rencontrer les scientifiques et artistes de l’expédition et surmonter bien des écueils pour le découvrir.
Napoléon Bonaparte
Napoléon était un homme pressé. Constant, premier valet de chambre de l’Empereur, nous apprend dans ses Mémoires qu’il ne s’assied même pas pour manger et s’intéresse peu a ce qu’il a dans son assiette. Deux constantes se retrouvent néanmoins dans ses repas : ils durent en général moins de vingt minutes et sont arrosés de quelques verres de Chambertin largement allongé d’eau. C’est sans doute quand il était en formation militaire à Autun qu’il pis goût pour ce vin de Bourgogne.
Son vin le suivait partout, de sorte qu’il avait été convenu avec son fournisseur attitré – la maison Soupé et Pierrugues – qu’il pouvait retourner les bouteilles non consommées. Son Chambertin l’a ainsi suivi dans les sables de l’Egypte comme dans les plaines de Russie. Durant les grands froids de la campagne de Russie, en 1812, l’aide de camp de Napoléon conservait ce vin contre sa poitrine pour pouvoir, à tout moment, lui servir du vin chambré.
La première épouse de Napoléon, Joséphine de Beauharnais, avait un goût beaucoup plus sûr et diversifié que son illustre mari pour les vins : la cave de son palais de la Malmaison ferait pâlir d’envie tous les amateurs de grands crus !
Image : Napoleon en Egypte – Peinture de Jean-Léon Gérôme vers 1863 – Source : Wikimedia Commons – Crédit : The Yorck Project
Dominique Vivant-Denon
Denon, né en 1747, est sans doute le doyen de l’Expédition qui embarque à Toulon au mois de mai 1798.
Il fait partie de la Commission des sciences et des arts. Membre de l’Institut d’Égypte créé au Caire par Napoléon, il est chargé de dessiner et de décrire les monuments rencontrés. Il est de retour en France en 1799, en même temps que Bonaparte.
A son retour, il publie le récit de ses déplacements en Égypte sous le titre « Voyage dans la Haute et Basse Égypte », illustré de nombreux dessins exécutés durant la Campagne. Cet ouvrage sera un grand succès et joua un rôle majeur dans le développement de l’égyptomanie auprès du grand public. Il participe par ailleurs activement à la monumentale Description de l’Égypte, produit par l’ensemble des savants de la Commission des sciences et des arts.
En plus d’être un artiste éclectique (peintre, graveur et écrivain), Denon est un collectionneur averti. Le 19 novembre 1802, il est nommé directeur du Musée Central des Arts de la République et le renomme aussitôt musée Napoléon. Jusqu’à la chute de l’Empire, le premier directeur du Louvre se consacrera pleinement à cette tache. C’est lui qui lui donne forme, veillant à la présentation des collections, faisant venir des villes conquises les chefs-d’œuvre de leurs collections. Il souhaite faire du Louvre « le plus bel établissement de l’univers ».
Cet impulsion formidable est stoppée avec la chute de l’empereur : par le traité de Vienne de 1815, les œuvres issues des pays conquis leur sont rendues.
Le 8 octobre 1815, Vivant Denon présente sa démission au roi Louis XVIII.
Image : Portrait de Vivant Denon par Robert Lefèvre en 1808 – Source : Wikimedia Commons- Crédit : Palais de Versailles
Etienne Geoffroy de Saint-Hilaire
Saint-Hilaire devient en 1793 l’un des douze professeurs du nouveau Muséum d’histoire naturelle, ou il occupe la chaire de zoologie. La même année, il crée la ménagerie du Muséum.
En 1798, il est choisi pour faire partie de la commission scientifique qui accompagne Bonaparte en Orient et il intègre dès son origine l’Institut créé au Caire.
Les conditions sont extrêmement pénibles pour tous, et notamment pour lui : une ophtalmie manque de le rendre aveugle.
Il y étudie principalement les poissons. Dans les eaux du Nil, il découvre le Polyptère bichir, dont l’anatomie étonnante le fascine.
Après les victoires anglaises en Egypte, la convention d’El Arich établi les conditions de la défaite françaises. La pierre de Rosette et d’autres pièces maîtresses découvertes par les français sont confisquées. Comme il le rappelle dans la nouvelle, Saint-Hilaire s’élèvera contre ces conditions et obtiendra de garder une partie des collections constituées par la commission scientifique.
C’est à partir des spécimens rapportés d’Égypte qu’Étienne Geoffroy Saint-Hilaire conçoit sa théorie de la comparaison des organes. Ses travaux participent à établir l’influence des milieux ambiants sur le développement et la répartition géographique des familles et des espèces, la classification des animaux.
Ses recherches le poussent vers les thèses transformistes. Dans la lignée de Lamarck, il montre que les espèces se sont transformées au cours de l’évolution. Sa rupture avec Cuvier, défenseur de la thèse fixiste, éclate lors de la controverse des crocodiles de Caen.
Image : Gravure de Geoffroy Sy Hilaire – Source & Crédit : Faune Sauvage
Le Chambertin
Chambertin : Roi des Vins et Vin des Rois. Quelle emphase !
Ce cru, et les autres de la commune de Gevrey, passent pour être les meilleurs de Bourgogne. Et les vins de Bourgogne furent longtemps – avec les vins tranquilles rouges de Champagne – ceux que l’on servaient à la table des Rois de France.
La réputation flatteuse de cette appellation qui produit exclusivement des Grands Crus rouges est due a un terroir exceptionnel sur une surface minuscule : moins de 14 ha, que se disputent une quinzaine de producteurs.
Gaston Roupnel décrit avec éloquence les qualités de ses vins : « Chambertin, roi des vins, n’a point usurpé sa préséance. Il réunit les dons complets, il mêle la grâce à la vigueur ; il associe la fermeté et la force à la finesse et à la délicatesse, et toutes ces qualités contraires, conciliées entre elles et lui, compose l’admirable synthèse d’une générosité unique et d’une vertu complète. Il est a lui seul tout le grand bourgogne possible (…) Sa couleur, sombre et écarlate, semble emprisonne en ses reflets grenats toute la gloire du soleil couchant. Goûtez-le : sentez en la bouche cette rondeur pleine et ferme, cette substantielle flamme enveloppée de la mate douceur du velours et d’un arôme de réséda. »
Au début du XIXème siècle, le négociant Soupé et Pierrugues faisait assembler un cuvée de Chambertin sur laquelle Napoléon avait portée son choix. Ce négociant a disparu depuis, et il n’existe pas de trace de l’origine des parcelles qui entraient dans l’assemblage de sa cuvée. Il est permis d’imaginer que les meilleurs climats, comme ceux appartenant aujourd’hui aux Domaines Rousseau ou Dugat-Puy, en faisaient partie et que les vins de ces producteurs ont une proche parenté avec ceux que l’Empereur buvait !
Laissons à Théophile Gautier les derniers mots à travers la bouche d’Athos : « Rien ne fait paraître l’avenir couleur de rose comme de le regarder à travers un verre de Chambertin ! »
Image : Bouteille de Chambertin Grand Cru du domaine Armand Rousseau – Source : Site du Domaine Armand Rousseau
Principales Sources :
- Jean Tulard – « Napoléon, Les grands moments d’un destin » – Editions Fayard
- Robert Solé & Dominique Valbelle – « La pierre de Rosette » – Editions Seuil
- Robert Solé – « Les savants de Bonaparte » – Editions Seuil Point
- Max Gallo – « Napoléon » – Editions Pocket
- Jacques-Olivier Boudon – » La campagne d’Egypte » – Editions Belin
- « Description de l’Egypte publiée par les ordres de Napoléon Bonaparte » – Institut d’Orient
- Constant Wairy – « Mémoires de Constant, premier valet de chambre de l’Empereur
- Jacques-Olivier Boudon – « Bonaparte et l’Orient: L’expédition d’Égypte 1798-1799 » – Editions SPM
- Hervé le Guyader – « Geoffroy Saint Hilaire : un naturaliste visionnaire » – Editions Alpha
- Morgane Avellaneda – Billet de blog « Napoléon et les journaux de la Campagne d’Égypte » – Gallica
- Bibliothèque et site de la Fondation Napoléon : http://www.napoleonica.org/